Que peut la plume

Peut-elle de ses ailes te faire entendre
ce ciel que tu oublies
qui se ferme et qui crie
cette folie des morts le long des routes
les terres agonisantes des oiseaux et des poissons crevés
Peut-elle te faire sentir la douleur du cœur
meurtri par tes lames dans la maudite blessure
qui te demande pardon
et te donne ses mains.

Quels sont ces amours morts qui nous tuent ?

Ce que nous sommes

Ce n’est pas parce que nous pouvons avoir une vue télescopique des confins cosmiques que nous y sommes. Nous n’y sommes pas. Nous sommes ici à regarder une image, tout simplement. Où sommes-nous en vérité, dans cet être rempli de vide ? De même dans le fond profond.
On ne sort pas de notre humanité, quoiqu’on fasse. Et selon ce qu’on fait, soit on s’enfonce dans des souffrances, soit on s’en délivre. Savoir ce qu’est faire, savoir la signification de l’action, de l’agir, de même que la pensée, ou la psyché agissante.
L’esprit pouvant nous épouvante en nous éprouvant.
Mais ce n’est pas tout. Cela ne s’achève pas là. Où sommes-nous dans ce cosmos comme dans ce corps qui est le nôtre ? Comme nous sommes censés transcender notre propre corps qui en réalité nous échappe, le corps de ces univers est aussi le nôtre, mais de façon collective, en nombre illimité et en qualité illimitée. C’est pourquoi il n’y a qu’une Humanité, procédant de la Nature pour son existence, et du divin ou du diabolique pour son chemin, pour que cela nous appartienne.
Or, si on songe à ce pitoyable état dans lequel nous sommes en ce corps maladif, comment pourrions-nous supporter d’être dans un corps encore plus grand et plus lointain, oublié, méprisé ?
Il ne s’agit donc pas que cette existence contingente à modifier, d’aménagements de ces châteaux et masures, de ces parures et apparences malgré les signes que celle-ci véhicule.
De quel objet s’agit-il ? Quel est l’objet de notre existence à la fois dans cette vie et dans les autres vies, que ces vies soient la notre ou celle des autres ? Et quels sont les moyens pour atteindre ces objectifs ?
S’il faut penser, il faut savoir d’où nous viennent ces pensées, de même que leur nature. Et comment se cultive-t-elle et par qui ?
Qui donc nous inspire, nous informe, infuse de l’information dans la forme ? Par nos actes, par nos mots, l’information nous revient, nous en sommes quelque part les auteurs, ce qui nous demande des efforts de discernement et de choix.

Rien n’est nul

Il nous faut tenir jusqu’au bout, non pas la paix, mais cette existence, malgré tout. Tout ce que nous savons. Comme de savoir que ceci n’est qu’un domaine exclusivement composé d’apparences, d’images se déroulant dans le champ éphémère de nos perceptions, une sorte de tricherie du réel. Nous n’éprouvons pas la rotation réelle de la terre sur elle-même ou autour du soleil, ni la pesanteur des profondeurs, tout comme il nous est insoutenable de penser l’immensité du cosmos, et son infini. Le réel objectif est insupportable pour notre existence, dans notre conscience, elle ne pourrait qu’éclater, nous rendant fou. Le moindre atome considéré dans sa réalité est chargé d’énergies et de mouvements, nos cellules et toutes celles étrangères qui nous habitent et composent notre corps vivant sont impensables dans le quotidien « normal ». Nous n’y pensons pas. La terre est plane et bossue pour nos perceptions habituelles. Et puis nous vivons aussi selon cette apparence de la stabilité du présent, sans se tourmenter outre mesure de la nature de l’éternité.
En quelque sorte, nous ne pourrions soutenir un savoir absolu des choses, dans notre conscience, de façon permanente. Nous ne pouvons le penser que par étincelles.

L’amour ou la puissance essentielle conjointe à l’existant, ne nous arrive que sous une forme atténuée, comme les sons qui arrivent à nos oreilles ne sont pas des sons à l’état brut des éclatements de la matière et du fracas réel des éléments qui s’entrechoquent, de ses grondements internes et sourds. Le réel est monstrueux dans son feu. Son corps nous semblant sans conscience. Et nous comme Jonas dans le ventre de la baleine.
Si nous étions du même Amour que cet absolu, nous ne resterions pas dans cette étroitesse de notre corps, nous rejoindrions le soleil.

Ceci ne dit rien sur la nécessité de notre petitesse, de cette existence ralentie, aqueuse, terres éteintes de pierre et de glace. Il se passe des choses à notre insu. Ce ne sont plus des choses mais de la présence, de la volonté, de l’amour tel que nous pouvons aimer dans la mesure exacte où l’amour aussi nous aime. Et nous soutient.
Je veux dire, que celui qui aimerait d’un amour fou sans écho dans le monde, sans être aimé en retour ne pourrait vivre, il serait dans une souffrance inimaginable. Alors s’enfermerait-il dans une haine insondable, destructrice de tout dans sa méchanceté. C’est en cela que consiste cette malédiction. Comme un malade sans médecine.(l’inverse est possible, mais c’est toute une histoire)
Il ne semble pas que ceci soit éternel. Ou alors il n’y aurait personne dans ces univers. Personne pour répondre à l’autre, ou garder le silence aimant, fort, soutenant le faible, le petit.
On sait que ce n’est pas ainsi, qu’il y a des gens, des animaux aimants, une terre aimante et vivante, une nature époustouflante de beauté. Cela devrait suffire à supporter le temps, et nous ouvrir.
Ensuite, chacun prend et se nourrit de ce dont il a besoin. Des loups et des moutons cohabitent, paisiblement.

La ruse

Tout vient de « Dieu » : La fusion solaire nucléaire dévoyée de son sens initial, de son utilisation, de sa nécessité – si la vie est nécessaire- , est également capable de produire notre extinction. Ce feu nous laisse cette illusion de puissance alors que son utilisation signe la fin de tout et de toute puissance, nul ne pouvant plus rien. L’anéantissement de la vie sur terre n’est pas relatif. S’il y a de la vie sur terre, c’est pourquoi ?
Briser cette chaîne, c’est rompre pour beaucoup le futur. Pratiquement tout un monde. Il n’y a pas de destin individuel s’il n’est pas relié au destin collectif, et pas de destin collectif s’il n’est pas relié à un destin individuel « informé ». Tout s’enchaîne.
Mais dans l’absolu, dans les cartons et desseins d’ordre divin, il n’est pas de volonté destructrice gratuite ou inutile, aveugle ou inconsciente, ignorante de ce qu’elle fait, mais exclusivement une volonté de voir la vie poursuivre la vie, vivante et non mourante.
Il n’y a pas de volonté de faire souffrir ou prendre les êtres en otage et de persécuter. S’il y a des maux et du terrible, ce n’est pas pour rien. Il n’y a pas d’issue dans le néant. On ne l’atteint pas. Ceux qui croient ou pensent ou imaginent qu’ils vont voir cesser les maux, dans cet absolu non-être, et se laver de tout ce qu’ils ont commis ici dans les corps liés aux âmes, en ayant brisé sciemment et méchamment la vie, s’autorisant dans cette continuité sans broncher, ne doivent pas se douter de ce qui les attend, se croyant à l’abri.
Mais ça ne passera pas.
Toutes les ruses des hommes sont déjouées.
Toutes les faussetés qui ruinent les existences mises en lumière.

La fuite

Nous nous dépensons à courir comme des fous après nos fantômes qui s’égarent entre les meubles de la maison et les poussières. Tout est si instable fuyant. Il n’y aurait rien sur quoi nous pourrions nous appuyer afin de voir où se trouve notre ciel ? Toutes nos croyances parties en fumées avec la matière que nous pensions si solide comme une mère aimante et protectrice ne dit plus rien dans ses tourbillons d’évanescence. Nous, des chiens obsédés par ces copulations dans le vide, où nous projetons nos semences sans espoir.
Pouvoir dans ces cieux y prendre pied avant de quitter ces illusions mondaines, tendre la main vers cette couronne ornée de diadèmes et de cristaux de feux, ne pas sombrer dans cet impossible néant, cet absurde, cet innommable vide de tout être.
Avoir du ressort, puisé rien qu’en nous-mêmes, enfermés dans nos crânes rempli de chimères et de boues, interdit de paroles ou d’échanges, tenus au mutisme qui rend sourd, et sourds ayant perdu le sens du verbe, de ce qui vibre parmi nous, et nous fait vivre.
Ce ou ce-lui, celui sans moi ou ce moi qui s’envole vers l’horizon lumineux de l’âme, toutes ces âmes en fusion. Nul feu, nul flamme d’enfer à ce propos. Mais bien ce feu sacré et doux, qui nous ranime.
Et de ce monde nous ferons sans effort le constat de l’insipide et du mortel. Sans se retourner sur le spectre.

Nous

Qu’est-ce qui peut faire que homme et femme puissent s’entendre et s’élever à un même niveau de grandeur ? et nous délivre des poids du passé ?
Sauf preuve du contraire il n’y a que nous pour nous délivrer. De ces naufrages collectifs, des futurs fermés, des disparitions progressives des êtres vivants, et même des humains dans leurs diversités, leurs originalités et leurs génies. Nous délivrer de la monotonie des siècles, ou du Siècle.

Les siècles monotones
Celui qui connaît les temps sait combien les siècles sont monotones, à tel point que ceux qui veulent dominer, les puissants, sont blasés, ayant l’impression du déjà vu. Se pencher sur les histoires des empires, des rois et des reines, y voir les mêmes choses, les mêmes volontés et goûts du luxe, les mêmes cruautés et avidités. Les princes devant sérieusement s’ennuyer dans leurs palais, fomentent et inventent toutes sortes de combines pour tromper leur ennui. Ils s’entendent sur tous les sujets, pour se diviser et pour pimenter leurs vies entreprennent toutes les guerres possibles, ils orientent les axes des arts et des recherches à leur convenance afin de briller dans le monde. Insatiables, ils explorent les terres et les astres, à la recherche d’aventures renouvelées, d’expériences neuves dans leurs prédations et leurs drogues, dans les expériences sexuelles, tout comme dans les manipulations des masses et des énergies.
On vit un temps très spécial. Il ne nous resterait plus qu’à conquérir les univers, pour y découvrir des objets inédits. Devenir des voyageurs intergalactiques, devant nécessairement être impérissables, ou réparables à l’infini, si nous voulons traverser les espaces. De là, viennent toutes ces recherches pour maintenir les corps des voyageurs en l’état.
Ceci me paraît vain. Disons dans les circonstances actuelles. Si nous n’avons pas intériorisé en nous cette possible dimension infinie, en notre esprit. Cette dimension intemporelle, traversant les temps, et les espaces qui y sont liés.
Cette impression d’avoir fait le tour de la question existentielle a quelque chose de faux. Si j’observe mon passé j’y découvre encore beaucoup d’inconnu. Lisant un historien, j’en extrais des variables et des constantes, qui dressent un tableau des humanités, et des cités, des formes créées, des liens et des déchirements, des atrocités et des prouesses. Tout cela rendant modeste.
Si nous ne prenons les choses qu’à partir de notre petitesse, et de nos limitations, du vieillissement et de la mort, c’est comme si nous étions retenus, sans pouvoir. Alors, comment faire pour simplement pouvoir vivre ?
Faut-il peut-être connaître la « vie » , et ce qu’elle nous dit, lui obéir un tant soit peu, pour qu’elle ne nous échappe pas et ne la voyons partir et la perdre.
Nous avons besoin d’aventure, mais non d’expériences aventureuses, d’où nous ne tirerons rien de vraiment bon, et où nous risquons de nous égarer et nous perdre, de rompre les liens vitaux.

L’inconnu, le Mystère reste toujours. Même si nous faisons connaissance. Dans ce cas on avance, et c’est savoureux.

Réinventer la vie, réenchanter la terre. Simplement qu’elle puisse survivre et y trouver de quoi vivre, découvrir, créer et éprouver du plaisir, des émerveillements, d’être ensemble. À partir de ce moment là, tout devient possible, le pire étant passé. Comme si nous avions fait un saut quantique, effectué un pas vers quelque chose de grand.

Nous

Qu’est-ce qui peut faire que homme et femme puissent s’entendre et s’élever à un même niveau de grandeur ? et nous délivre des poids du passé ?

Sauf preuve du contraire il n’y a que nous pour nous délivrer.

Des pouvoirs et des devoirs respectifs.

Un homme croit pouvoir sans la femme ? ou bien sait-il qu’il ne peut rien sans elle, et de ce fait, fait tout pour la soumettre, la mettre à son service ? Tout en la servant, la servant selon ses désirs à lui, ou selon les désirs distillés, les envies suscitées. Il y a tellement de malentendus, de voiles posés entre les deux.

Nous ne voyons pas les choses de la même façon, masculins ou féminins. Nous n’entendons pas ce que l’autre entend. Nous ne raisonnons pas non plus tout à fait de façon identique, Alors ça complique les choses, si la raison même, la rationalité est empreinte de subjectivités, de connotations liées à notre sexe.

Et que certains d’entre nous voudraient effacer.

Entre deux

Bachelard pensait le temps de notre existence pris entre deux néants. Si on y pense, c’est absurde. Et surtout faux. À la limite, examinant la nature du temps, le présent réel s’anéantit de lui-même dans son instant infime sans conscience, comme une étincelle qui est partie à peine arrivée.
On ne peut pas réduire l’existence à cette étroitesse de notre existence séparée de la totalité, de même la terre séparée de l’univers, le corps sans esprit, dans la matière exclusivement.
À un autre niveau, ce serait comme l’homme séparé de la femme, une terre stérile, qui n’a jamais existé. On n’a connu que le monde doté d’hommes et de femmes. Comme deux mondes distincts ayant du mal à communiquer, à s’entendre. Deux corps différents, deux psychés et deux langages différents reflétant leur singularité, en quête d’unité ou d’union, par la pénétration dans l’autre, ou d’être pénétré par l’autre, en quête de fusion dans leur être intime. Union dont on sait la vanité, ou l’impasse si cela se limite à la copulation. Mais si nous prenons comme lieu d’union possible le lieu de l’esprit, cela réduit le corps à n’être rien qu’éphémère inutile. Corps et esprit restent séparés et impuissants. Les existences succombant dans la mièvrerie ou dans la violence.
Nous aurions échoué dans nos vies. Malgré les philosophes qui nous ont délivré des beaux tableaux, ou les peintres des bonnes pensées par leurs toiles.
Il y a toujours des moments critiques, des passages délicats dans toutes les traversées, des points de bascule dont l’issue incertaine nous effraie. Et qui font un nombre considérable de victimes sacrifiées. Évidemment, tout ceci est atroce, rien ne peut justifier toutes ces choses là. On sait que l’histoire est faite de ces montagnes de morts. S’il y eut aussi de la vie et de la joie elle passe inaperçue, excepté en ceux qui vécurent et vivent encore.
Qu’est-ce qui décide donc de la vie ou de la mort ? Qui nous montre ce qu’il y a au bout de la souffrance ? Quelle délivrance une fois passés. (une fois délivrés, qu’y a-t-il ?)
Nous ne sommes pas uniquement corps ou uniquement esprit. C’est une combinaison des deux, comme le temps et l’espace. Dire qu’ils n’ont pas d’existence, comme dire qu’ils n’existent que l’un par l’autre, c’est peut-être un abus de langage. Ou décisif comme le langage ? Ce qu’on dit serait décisif.
L’esprit seul ne peut agir sur le corps, le corps seul non plus sur l’esprit, il y a ce troisième terme qui fait la jonction, qui fait qu’ en nous cela s’épouse ou non. S’épousant cela devient vivant. Sinon c’est mortel.
On pourrait faire cette analogie avec le féminin et le masculin, cette combinaison génétique et psychique. Mais ce mélange est mal fait ou dévoyé, s’il y a des intrusions et des modifications anormales.
Inversement.