Ce matin j’ai ressenti une immense fatigue, un grand découragement en mon corps, en mon âme qui voudrait bien se reposer de tout ce qu’elle perçoit. Se sentir délivré. Non pas morte, parce que cela ne se peut pas, de façon radicale. Ne plus se sentir écrasé par le poids absurde des univers. C’est comme si un sommet était atteint, et tu contemples les horizons sublimes sans avoir plus de force pour aller plus loin, parce qu’il n’y a pas plus haut. Alors pour consolation, il te reste quelques bribes de souvenirs, de tous ces moments exaltants, flamboiements de ton cœur amoureux sur ces routes sous un ciel joyeux qui allait t’appartenir, ces fêtes aussi où dans les alcools excitants, ces feux, tu passais toutes les barrières et les entraves, sans jamais rien trahir, sans violence mais toujours dans un jeu de miroirs où tout resplendissait, ainsi que tous. Tous confondus des mêmes flammes chaudes vivantes animées. Que d’eaux ont coulé. Que de ruisseaux fantastiques entrecoupés d’ennuis inévitables et gris, toujours effacés et sans importance, malgré leur prétention à gérer nos misères. C’est drôle ces rides, et drôles ces rires qui n’ont pas d’âge. Rires interdits, rires de si bon cœur que cela te soulage de tous tes mots. Et tu ne redoutes plus. Tu te souviens de choses tellement étranges que nul ne pourra te croire, sauf toi, tu te crois. C’est déjà ça. Tu connais à la fois l’enfermement horrible et angoissant des prisons, des couvercles l’asphyxie, tu connais la rupture sous ton crâne, irrémédiable comme la foudre. Tu laisses tout. Rassures toi, ça va. Les totems tiennent les générations debout malgré les coups, et tout vit dans cette stature verticale. Impeccable et magistrale. Silencieuse colonne des âmes unies. Nul ne domine, tout rayonne. Et tend vers cette limpidité inexprimable des gens heureux.
Bon tout ceci n’est peut-être dû qu’à un léger coup de tabac sur la barque de mes songes.