Métamorphoses

Crois-tu qu’à 70 berges on puisse ranimer ses passions, et se lancer dans de nouvelles aventures, alors qu’on est alourdi par ses habitudes, ses jugements faux mêlés de vérités, une certaine lassitude d’exister, sachant aussi cette inertie qui retient le monde dans sa prison ? Il faudrait beaucoup plus que tenir la plume, ou la parole, ce qui est cependant la base, l’assise indispensable pour que les choses deviennent un peu plus saines que ce qu’elles sont. Il ne suffit pas de constater la folie du monde, si nous ne pouvons pas nous soigner et que la terre ne prend pas une autre trajectoire. Faut-il simplement la dessiner pour qu’elle se réalise ? C’est ce qui fût mon premier moteur quand j’étais jeune et animé de volonté, de vivre et de comprendre, de créer selon mes capacités, c’est à dire de trouver par quels moyens j’allais pouvoir m’exprimer et m’explorer, par conséquent faire connaissance avec moi et avec la vérité.
Si pour moi, la vie s’est considérablement métamorphosée, et je sais de quoi je parle, je sais d’où cela vient, et ce que j’ai dû refuser pour que cela se produise, de même les efforts à fournir, il est toujours question d’insatisfaction face à ce qui se présente dans le monde qui vient, et ce n’est guère reluisant. Mais pour pouvoir affirmer cela il faudrait encore pouvoir en faire le constat en étant plongé dans le monde à nouveau, et ne pas se contenter des affirmations lues dans la presse, ou de lire les faits divers, qui pour horribles soient-ils ne sont tout de même pas les faits communs, ou les non-événements.
Bref, il faudrait pouvoir entendre les sentiments réels des hommes, leurs intentions, leurs amours, et leurs actions. Il ne suffit pas d’entendre leurs opinions, ce ne sont que des bêtises, des paroles confuses remplies d’ignorances, ou si elles semblent belles et bonnes, elles relèvent de leurs croyances plus ou moins douteuses, et pour cause, dans la nuit noire de l’ignorance et de la prétention, des pensées secrètes que chacun conserve comme son bien le plus précieux, nul ne sait jamais ce qui peut en résulter. La soumission à la machine, à ces machines diverses, comme à ces états et ces entreprises monstrueuses, de guerres et de puissances, comme si c’était une possession envoûtant les hommes dans un non-sens contre lequel nous ne pourrions rien, aussi fatal que la mort.
Je ne cessais de dire que nous sommes comme celui qui aurait perdu l’esprit, malgré l’intelligence qui demeure, ou à cause de cela précisément. Comme cela est certain, cette perte ou cette rupture avec l’esprit, sauf exceptions (et encore ces exceptions ne sont pas certaines et sont en tout cas très discrètes) le monde continue sa course folle, dans ces directions imposées par ces pouvoirs qui se sont montrés les plus forts, les plus violents, parce que rien ne peut marcher et vivre sans tête, ou de façon chaotique. Donc un « esprit mauvais » s’impose pour combler le déficit général dans l’humanité.
C’est affreux, et ce, depuis si longtemps. Ne songer qu’aux souffrances infligées, aux tortures, aux condamnations à mort, aux misères régnant. Aux chocs entre les états qui pourraient tout détruire. Comme un suicide de la terre.
Comme les mots ne suffisent pas, ni même les créations les plus belles, ou les techniques les plus élaborées, pour nous délivrer du poids et de nos maux, alors je demande :
Que faudrait-il, Prophète ?

Je ne crois pas que le martyr soit la seule indication de vérité, pour faire face au monde. Il est sans doute une forme de passage obligé, comme pour le crucifié. Mais cette souffrance n’est pas vaine, elle porte son fruit, et sa peine trouve son terme, sa résurrection, heureuse et joyeuse. À des niveaux moindres, les maux sont censés nous apporter des solutions, à condition de bonne volonté. Il faut connaître la mort, pour connaître la vie. Sans céder à ce qui nous tue, ou nous prive de vivre vraiment.

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