Au fond

Un philosophe plus ou moins aristotélicien affirme que les fondements de la métaphysique se trouvent dans trois points : La négation, la désorientation, la régression à l’infini. ( pour le dire succinctement )
C’est partiellement vrai. S’il y eut la négation il y eut l’affirmation ; si tout était possible, il y avait aussi ce mur, et cet orient perdu ; et s’il y avait la régression, c’est parce qu’il y eut immédiatement cette conscience informulée de la chute, et de la mémoire.
La métaphysique est née du souvenir. De l’éveil. De l’écoute de la voix située au-delà qui suscite le songe, et qui nous brûle.
S’il y eut négation c’est par cette révolte initiale de celui qui réalise sa condition de prisonnier, et refuse. S’il s’agit de désorientation et d’ouverture à tous les possibles, cela relève du désir puissant qui le possède, qui le propulse hors de lui. Et s’il y a régression à l’infini, c’est face à la nuit des étoiles, face à l’incommensurable abîme qu’il perçoit.
Tout cela sans formulation, uniquement intuitif viscéral. Cela ne relève pas de la logique, il n’y a aucun mot, mais des sons, des lumières, et la nuit.

Où les pensées peuvent se recouper, c’est dans cette affirmation a posteriori de notre nature singulière, de se savoir sans habitat naturel, comme si nous étions venus d’ailleurs, sans niche spécialement conçue ou en adéquation avec ce que nous sommes. En fait nous sommes décalés, distants de notre existence.

Comment comprendre et interpréter tout cela ? Le processus créateur opère automatiquement ( plus ou moins) jusqu’au point où l’opérateur s’inclut dans l’opération, en prenant tous les risques de la séparation, de la disparition, de l’oubli, et de la mort. Mais qui est comme un ensemencement de ce qu’il est dans l’infime partie opposée au tout. De là naît un avatar. Ou une racine. On peut supposer que cet ensemencement volontaire ne s’est pas produit en un seul exemplaire, mais en nombre suffisant pour que le processus tienne de lui-même et sache se reproduire, malgré la perte d’instinct due à sa qualité intrinsèque d’être conscient et distant, décalé ou fou.

Ainsi donc, le Dieu s’est inclus dans une forme ( ou plusieurs autres possibles ) et on se demande en vue de quel besoin s’il est Dieu. Qu’est-ce que cela pouvait lui rajouter de vivre cette expérience dans ce microbe humain pullulant ?
Devoir souffrir atrocement
Se voir se niant, s’humiliant dans la multitude
Se tenir impuissant.

Bref, que s’est-il passé avant notre apparition dans ce corps limité et qui a décidé de s’y inclure et s’enfermer ?
Comme si dieu avait rejeté hors de lui une part de lui, hors de son domaine ou sa demeure. Ou comme s’il s’était jeté dans un corps pouvant le recevoir.
Cela nous dépasse totalement. Cela voudrait dire qu’il s’est divisé ? Ou qu’il voulait se reproduire ? S’étendre encore plus loin ? Se multiplier à l’infini ? À partir du lieu où Il se trouve.
La logique de tout cela, c’est que le processus de création ne finit jamais, mais se rénove sans cesse. Esprit d’aventure qui donne du sel à toute existence. Même au niveau des dieux, et des anges obéissants.

On ne disposerait plus que des mots pour s’informer ? Ce n’est pas certain. Il y a toujours un moyen d’expérimenter dans sa chair ce que contient l’univers.
Prenez Icare qui se rapprocha trop du soleil et qui tomba. Sans doute avalé dans ce soleil, ce qui ne lui laissa pas le temps de réaliser l’expérience de la distance demandant du temps, un décollage trop rapide hors de son corps en somme, et sans retour. Il faut probablement que ce qui se passe en nous se fasse à feux doux, comme pour l’éclosion d’une graine, dans des conditions propices.

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