Rien n’est nul

Il nous faut tenir jusqu’au bout, non pas la paix, mais cette existence, malgré tout. Tout ce que nous savons. Comme de savoir que ceci n’est qu’un domaine exclusivement composé d’apparences, d’images se déroulant dans le champ éphémère de nos perceptions, une sorte de tricherie du réel. Nous n’éprouvons pas la rotation réelle de la terre sur elle-même ou autour du soleil, ni la pesanteur des profondeurs, tout comme il nous est insoutenable de penser l’immensité du cosmos, et son infini. Le réel objectif est insupportable pour notre existence, dans notre conscience, elle ne pourrait qu’éclater, nous rendant fou. Le moindre atome considéré dans sa réalité est chargé d’énergies et de mouvements, nos cellules et toutes celles étrangères qui nous habitent et composent notre corps vivant sont impensables dans le quotidien « normal ». Nous n’y pensons pas. La terre est plane et bossue pour nos perceptions habituelles. Et puis nous vivons aussi selon cette apparence de la stabilité du présent, sans se tourmenter outre mesure de la nature de l’éternité.
En quelque sorte, nous ne pourrions soutenir un savoir absolu des choses, dans notre conscience, de façon permanente. Nous ne pouvons le penser que par étincelles.

L’amour ou la puissance essentielle conjointe à l’existant, ne nous arrive que sous une forme atténuée, comme les sons qui arrivent à nos oreilles ne sont pas des sons à l’état brut des éclatements de la matière et du fracas réel des éléments qui s’entrechoquent, de ses grondements internes et sourds. Le réel est monstrueux dans son feu. Son corps nous semblant sans conscience. Et nous comme Jonas dans le ventre de la baleine.
Si nous étions du même Amour que cet absolu, nous ne resterions pas dans cette étroitesse de notre corps, nous rejoindrions le soleil.

Ceci ne dit rien sur la nécessité de notre petitesse, de cette existence ralentie, aqueuse, terres éteintes de pierre et de glace. Il se passe des choses à notre insu. Ce ne sont plus des choses mais de la présence, de la volonté, de l’amour tel que nous pouvons aimer dans la mesure exacte où l’amour aussi nous aime. Et nous soutient.
Je veux dire, que celui qui aimerait d’un amour fou sans écho dans le monde, sans être aimé en retour ne pourrait vivre, il serait dans une souffrance inimaginable. Alors s’enfermerait-il dans une haine insondable, destructrice de tout dans sa méchanceté. C’est en cela que consiste cette malédiction. Comme un malade sans médecine.(l’inverse est possible, mais c’est toute une histoire)
Il ne semble pas que ceci soit éternel. Ou alors il n’y aurait personne dans ces univers. Personne pour répondre à l’autre, ou garder le silence aimant, fort, soutenant le faible, le petit.
On sait que ce n’est pas ainsi, qu’il y a des gens, des animaux aimants, une terre aimante et vivante, une nature époustouflante de beauté. Cela devrait suffire à supporter le temps, et nous ouvrir.
Ensuite, chacun prend et se nourrit de ce dont il a besoin. Des loups et des moutons cohabitent, paisiblement.

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