Quel animal bizarre

Comme il est étrange cet animal si faible, si démuni, sans défense au milieu d’une jungle épaisse et sauvage, dotée de pouvoirs innés, tandis qu’il doit sans cesse ruser pour survivre, imiter les espèces qu’il côtoie sans jamais être à la hauteur, ni aussi véloce, peu performant, sans aile, sans force face aux bisons, aux chevaux, ayant froid dans les eaux glacées, tandis que l’ours prend son bain et chasse, sans défaut. Ça fait longtemps que nous ne sommes plus nus. Nous nous sommes recouvert des peaux de nos proies, avons fabriqué des crocs en silex, tendu des pièges, découvert des poisons.

Ce qui ne nous empêche pas d’être toujours maladifs et faibles, en dépit des techniques qui se rajoutèrent au cours des millénaires, sans les oublier complètement. Une chose curieuse, c’est cette inadaptation à la vie naturelle. Comme si nous étions décalés de nous-mêmes, autres que nous-mêmes, ou hors de nous.

Je présume, à tort ou à raison, que l’animal, ou la moindre des entités vivantes est pleinement en son être. Tandis que nous, sommes distants de nous, avec ce que cela offre comme recul, vision, faculté pensante, analytique ou imaginative, et forcément capables d’erreurs et de chutes.

Il n’y a a priori aucune raison qu’il y ait cette rupture entre le corps et l’esprit. Sauf si la raison est, ou fait cette rupture, par opposition à l’instinct pur qui fait office de lien absolu entre le pensé et l’action.

Habitant de notre corps, nous sommes censés le connaître, ou ne faire qu’un avec lui. Habitant de la terre unie à son cosmos, nous n’y sommes en principe pas séparés. Nous savons naturellement, puisqu’il n’y a apparemment aucune séparation nulle part, nulle séparation effective entre les éléments dans une réelle unité essentielle.

Mais ce n’est pas ainsi. Cela correspond à quoi cet aveuglement qui nous a été donné ? nous obligeant à toutes sortes d’efforts de volonté, de mémoire, de développement des signes comme des outils, et de recherches.

Il a fallu que nous allions dans des zones nocturnes, des lieux interdits, dangereux, hors de la nature immédiate. des lieux de pouvoirs. débordant du cadre étroit de nos corps, pour retrouver ou rejoindre cet être essentiel avec lequel nous étions censés être Un. Au lieu de Deux qui se déchirent.

Ainsi on retrouve les clefs des civilisations incroyablement complexes, soumises aux biens et aux maux extrêmes. Le pire et le meilleur possibles.

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