S’en tenir à

Il y aurait dix mille philosophies contraires, dix mille façons de penser et de vivre, et seul dans notre tête nous ne pouvons les contenir, en tenir un soupçon ? Ou une seule affirmation qui tienne la route face aux déferlantes verbales qui nous emportent et nous laissent sans voix, sans droit. Nous devrions nous plier aux injonctions des docteurs qui survolent la totalité des concepts, et semblent justifier l’état du monde, ne pas être dubitatif devant ce qui nous est imposé. On nous assigne une place, comme si nous n’avions plus aucun pouvoir de décision. Il y a quelque chose de faux dans cet ordre des choses. Savoir si cela provient d’une hiérarchie qui tient son rang et ses privilèges, ce qui ghettoïse le reste du monde au lieu d’en restituer les lumières et d’ouvrir portes et fenêtres vers une vie meilleure, ou vraie.
Celui qui étudie les diverses doctrines des mondes, civilisés ou non, ne peut pas savoir à quoi s’en tenir, tellement les unes effacent les autres. Chacun y allant de son couplet pour dénoncer les maux, toujours extérieurs. Les maux, les ignorances, les absurdités, et les incohérences. Nous apportons plus ou moins notre pierre à l’édifice des maux. Mais est-ce toujours le cas, sans possibilité d’y échapper, nous serions contributeurs involontaires et inconscients des systèmes manifestement oppresseurs, sans jamais savoir ce que nous faisons ?
Pourtant, nous avons tous notre rôle à jouer, sans qu’il y ait l’un supérieur à l’autre de façon absolue. Mais qui est censé être adapté à ce que nous sommes et qui nous convient. Nous ne sommes pas faits pour marcher au pas si nous ne connaissons pas l’objet de cette marche collective.
On nous trompe, on abuse de notre docilité. On nous vend des objets comme si ces objets étaient des fins en soi, de ce fait on oblige le monde à produire ces mêmes objets indéfiniment. On en perd le sens, l’utilité réelle de toutes ces choses qui en deviennent encombrantes, dans une saturation globale qui nous étouffe. Comme si l’automobile, les ordinateurs, les maisons et les luxes, la production de tout cela était une fin et non un moyen. On nous tient par là. Cela devient sans fin, on tombe dans l’excès. Aucun objet sorti des usines n’échappe à ce qui semble être une loi inexorable, et nous n’avons pas droit de la critiquer, ou au prix de la marginalisation, de l’exclusion et des pauvretés extrêmes, ou de nous trouver dans des ghettos en révolte.
Mais ce ne sont pas ces techniques qui sont facteurs de maux.
Il y eut des sociétés sans grande technicité qui rendaient les hommes esclaves, les manipulaient et les contraignaient à commettre des actes atroces vis à vis des autres, de la nature dans son ensemble. Cela ne pouvait que rendre les hommes mauvais, et les enfermer dans cette spirale sinistre et sans issue, suicidaire.
Mais certainement aussi, une fois dit ceci, il s’avère que les techniques sont comme des armes, attribuant une puissance décuplée à ceux qui en possèdent les clefs. Tout en privant les autres des moyens d’en sortir. Puissance des feux, des intelligences, des discours et des polices pour maintenir tout le monde dans ces filets, comme si nous étions des sales bêtes à tenir en respect.
S’il en existe parmi nous, ce n’est pas général. Sauf contamination dans les esprits rendus intoxiqués. Ce qui entraîne le monde sur une pente irréversible.
Puisqu’il y a ces dix milles philosophies contradictoires comme autant d’opinions divergentes et inconciliables, on se trouve dans un temps exceptionnel de confusion, de fusion de toutes ces contradictions, ce qui a pour vertu de nous obliger à effectuer notre choix en toute lucidité, et non plus en fonction de vérités dogmatiques douteuses.

0

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *