Chute

J’en viens à me demander pourquoi nous sommes venus ici, dans ce temps étriqué et ce lieu exigu alors que nous avions tout, savions tout ou pouvions tellement quand nous étions. Et que manifestement nous ne sommes plus grand-chose, ayant immensément perdu de ce que nous étions, que nous appelons à retrouver de nos vœux et nos prières. Ce qui se fait avec une conscience forcément douloureuse, comme celle de notre chute, une conscience anesthésiée.
Songez donc par où nous sommes passés pour venir dans ce corps. Par quel tunnel obscur, quel puits, dans quel état d’oubli, comme d’un coma pour que cela se fasse. Mais que ce retour est du même ordre en conscience éveillée. Si nous avions gardé en nous cet éveil serions-nous venus ? Et pour quelle raison ou quelle force ou pour accomplir quoi d’improbable que nous ne sachions pas ? Non, cela fut plus fort que nous. Cette attraction terrestre. Cette puissance du désir qui fait naître les corps et en ces corps venir celui que nous étions, ou qui nous correspond. On ne naît pas par hasard. Il faut des coïncidences.
Nous ne sommes plus grand-chose au sens où nous sommes assez loin de la vie vraie, de l’essence absolue de l’être, sauf si nous l’envisageons sous l’angle des idées, des concepts ou des formes, mais peu incarnées dans le réel.
Ce n’est qu’une faible explication de tout ce que nous mettons en œuvre et de ce que nous cherchons. Comme on recherche des traces de notre passé, pour effectuer le chemin inverse sans se tromper. Le pire est d’égarer l’autre avec son propre égarement.
Ironie de la liberté où nous nous trouvons seuls pour décider, et savoir où nous rendre. Seul, non pas absolument parce qu’il y a toujours quelqu’un qui veille sur nous. Et ne peut faire que cela, comme notre Mère, sans pouvoir agir à notre place. Mais ce retour en conscience aussi chargé de souffrance soit-il ne doit pas nous faire reculer. Il y a des plages de repos où nous reconstituons nos forces.

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