De l’esprit dans un flacon.

Pour nombre de gens rationnels, l’esprit est la conséquence de la matière, de la nature des choses, et n’émane que de cette organisation systémique. Dans cette optique l’esprit n’est cause de rien. Cette lecture des phénomènes a des implications au niveau sociétal. L’ensemble du corps façonne et détermine ce qui s’y produit. De la même façon que notre corps décide de ce que nous éprouvons, de ce que nous voulons. Il en serait de même de nos amours, rivés à des flux hormonaux, des sécrétions glandulaires, et au plan social, des revenus et des pauvretés, décisifs de nos existences, bonheurs et libertés.
Ce n’est pas faux. C’est juste insuffisant.

Chaque être vivant comme chaque objet possède son unité propre, sa cohérence, et ne supporte nulle fuite, sous peine de se décomposer à plus ou moins long terme, disparaître dans la masse, retourner à l’état initial ou l’état brut de la matière première indifférenciée. Tout corps effectivement y retourne en se décomposant. Que ce soit un arbre, une pierre, un homme ou une étoile. Sous cet angle là, le temps d’existence est relatif, contingent, sans tellement d’importance, sauf ces éventuelles souffrances ressenties, dont on voudrait bien se défaire.
Nous ne voudrions pas fuir de notre vivant, mais cicatriser nos blessures ou lésions même petites, qui forcément nous tueraient. Inversement nous avons besoin de recevoir quelque chose, pour conserver notre unité d’existence, par conséquent nous ne vivons dans nos corps que selon la loi des échanges.

Le corps système universel ou le cosmos serait complet, achevé, ne comportant que des échanges internes à son système, avec comme on le sait la loi de l’entropie et de l’effondrement des énergies et du chaos.
Univers vide et vain, apparu pour rien, même aux yeux de celui pour qui cela est apparu. Pour qui cela n’aurait été qu’une chimère d’existence. Souffrances, rires, engloutis dans la masse absurde anéantie, sans conscience.

Reprenons nos esprits, provisoirement mettons la conscience de côté. Ce qui paraît impossible. Mais admettons. Un objet ne tenant que par sa cohérence, de même nous nous tenons. La moindre cellule, le moindre atome, ne se maintient que dans son unité interne. Tout comme nous, notre existence se disperserait si nous ne l’habitons pas, et lui conférons son unité, son intégrité, même relative. Or nous pouvons faire un constat, c’est celui de la foule des objets épars relevant de notre psyché, et qui nous traverse, sans savoir de quoi il s’agit. Mémoires, désirs, sentiments bons ou mauvais, ennuis, doutes, espoirs, etc.
Il y a autant d’objets spirituels ou psychiques, qu’il y a d’objets matériels. Tout un bestiaire de formes en corrélation des formes apparues ou consubstantiels à la matière. Le lion et la gazelle, l’eau et le feu, la roche et l’air, le chaud et le froid, tous ces phénomènes apparus donnant une certaine orientation, une direction a priori indéfinie à ces ensembles en relation les uns avec les autres. Dans la mesure où nous acceptons l’idée qu’il y a les uns et les autres, que tout n’est pas qu’un magma indifférencié. La matière donc, dans sa structure, donne une sorte de dessein à ce qui s’y produit. Et plus étrangement à ces êtres qui – selon notre point de vue – nous semblent vivants, moins inertes. Dotés de volontés d’existence. Refusant l’oxydation. Notez comme ceci est peu rationnel. Je m’égare.

L’esprit est ou apparaît être en absolue correspondance avec la matière et la forme produite. Et disparaître dès lors que la forme disparaît. De là l’idée qu’il n’y a pas d’esprit indépendamment de la matière qui la supporte. Il y a une unité entre Matière et Esprit. Et cependant nous opérons un distinguo entre les deux objets.

L’esprit d’un dauphin n’est pas celui d’un requin, l’un plus joueur que l’autre plus mordeur. Chacun ayant sa fonction, son rôle dans la Nature.
Nous ne savons toujours pas en quoi consiste l’esprit en tant qu’objet. Ou objectifs inclus, ou orientation, fins, buts. Humainement cela soulève autant de questions, si on observe les enjeux auxquels nous sommes confrontés. Parce qu’il s’y déroule à la fois des drames et des comédies fantastiques. Ne songer qu’à ce fait étonnant des multitudes frappées de stupeur face à l’insondable que nous voudrions connaître dans ses profondeurs, et que nous explorons dans tous les azimuts, comme si nous procédions de cette totalité. Que nous la cherchions dans les astres, les quanta, ou en notre psyché, en nos mémoires. Avec plus ou moins de bonheur. Et de volontés transformatrices des mondes. Soit dans la destruction ou l’édification. Selon notre « appréhension » du bon ou du mauvais, des choix obligés.
De ce que nous en pensons. À la base il y a donc la pensée.
Difficile de savoir si nous pensons ou si nous sommes pensés, si nous sommes traversés de pensées diverses et contraires. De même que la matière se frotte à son désordre, son effondrement. J’ai été surpris de voir cette volonté de vivre dans la moindre plante, fournissant ses efforts pour se sustenter, et tendre ses ramifications sur un support. Elle obéit à la loi de sa survie propre, comme une plante saprophyte s’accroche à son support qu’elle finit par l’absorber, l’engloutir entièrement et lui prendre la place. Elle même sera un jour dévorée par des minuscules parasites.
Dans ce bal universel de la prédation qui nous apparaît aller nulle part, mais néanmoins existe, il en ressort quoi ? Si ce n’est rien, ce rien est inconcevable et révoltant. Non pas uniquement pour notre seule douleur, mais par tout ce qui s’y présente. Et également pour notre existence d’être abandonné au milieu d’un monde indifférent, d’une part ; de devoir lutter pour vivre et sachant ou croyant que tout cela s’avère inutile d’emblée. De quoi avoir une position totalement nihiliste. Mais qui est radicalement une aporie tragique. D’autant plus si nous nous révoltons contre le monde, contre la totalité existentielle qui serait aussi démunie de sens que nous.
Dans ce sens là, il apparaît l’idée de l’extérieur, ou antérieur à la matière ou à son apparition. Idée de la semence, délivrant du sens effectuant une opération et un mouvement, une orientation aux corps, et à leurs énergies. Leur conférant une énergie prédatrice, de même des possibilités de tous ordres.
L’univers ayant reçu de la lumière la restitue sous une autre forme. Tout comme nous, ayant perçu nous rendrons notre lumière sous une autre forme.
Autrement dit le spirituel est aussi une matière, mais une matière d’un autre plan, d’une autre dimension que nous percevons à peine, ou pas du tout. Mais qui nous appartient dans la mesure où nous nous en servons. Elle est consubstantielle à la matière organique concrète. Tout serait dans ce sens et dans cette image d’essence féminine matérielle. La matière « Matière » de même la matière « Esprit ». Comme une conjonction de matières différentes entre elles. Soit. Sans prééminence de l’une sur l’autre. Certes, et sans nul doute. Il n’y a là nul haut, nul bas.

Mais il y a nous, entre les deux courants qui se traversent. Je m’explique : la matière produit son esprit, l’esprit transforme les corps, qui rendent Un esprit singulier.
L’esprit n’agissant pas sur la matière comme nous soulevons un poids, ou tordons des métaux, l’esprit n’agit que sur l’esprit, sur la multitudes des esprits. (comme je vous le disais étant en nombre) de même la matière n’agit sur la matière que par le truchement de l’esprit, et des esprits qui la traversent.
Activité et passivité, comme mort métamorphose et vie.
Un point assez remarquable ici. Si nous pensons que la matière peut mourir, s’éteindre, nous pouvons aussi croire ou penser que l’esprit aussi s’éteint du même coup. Mais il reste nous au milieu de cette relation plus ou moins objective, plus ou moins subjective. Un nous étonnant de conscience et d’inconscience. Comme si nous avions tout pouvoir quant à la transformation, la nôtre et à celle des objets de l’univers. En imposant nos pensées, nos envies, désirs, amours, haines et tout cet attirail sensible.
Détermination du sujet, le je dans l’agencement des mondes.
Ce qui pose plus de questions. Ce sujet-je.
Difficile de dire cet Univers-je, ou ce cosmos, c’est Moi. Il y en a tellement en poussières. Tellement dans les cendres.
Une autre question à propos de ce qui existe quand même et malgré tout, c’est ce masculin. Ce qu’il veut dire dans une totalité Mère ou matricielle.
Il ne saurait rien y avoir sans fusion ou conjonction du masculin et du féminin. À mon avis.
La Matière sait (tout) dans son inconscient, d’instinct, si vous voulez. L’Esprit sait dans ou par sa conscience, par ses actes, ses choix. Tout cela est finalement assez fou. Mais c’est ainsi.

Et nous, nous nous débattons avec nos mots, qui recèlent quantité de lumières et d’ombres, d’oublis et de mémoires, d’analyses plus ou moins frauduleuses, et ne rendons jamais les armes.

En conclusion, il importe de savoir ou de percevoir un peu l’Esprit – disons dans le pur- pour ne pas rendre la matière impure ou impropre à notre vie. Et donc de le rendre dans le monde avant tout sans le trahir.

Est-ce suffisant ? L’eau coule sans mal.

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