Le fil de la pensée

Dans l’avion pour New-York, partant à l’aventure il y a de cela 50 ans je lisais tel un béotien la sonate à Kreutzer de Tolstoï, et songeais que tout était en germe, déjà exprimé, déjà pensé. Puis aujourd’hui lisant les possédés de Dostoïevski, je retrouve cette même impression, atténuée et moins naïve, des idées et des sentiments exprimés, de ces mêmes quêtes qui hantent les hommes. Je me trouve différent dans ma lecture. Il me semble pouvoir pénétrer plus en profondeur dans les subtilités, la finesse des traits dessinés, les modulations, comme pouvant saisir l’arrière plan, ce qui se trouve entre les lignes, qui n’est pas évident à première vue.
Subtilité de la plume inspirée, produit des âmes délicates, arrivant à rendre ou presque, visible l’invisible. Ce qui n’est peut-être qu’une projection de ma pensée et de mes désirs, ceci n’est jamais à exclure. Non, ce qui est intéressant c’est de lire les âmes. Ici des âmes russes. Comme par hasard.
Alors qu’il est en ce moment question de la Russie, et que ces auteurs ont fait couler beaucoup d’encre à propos de leur culture, de leur sensibilité, de ce qui fait leur originalité. De leurs passions et de leurs crimes.
On se transforme avec le temps, mais demeure un fil. Plus jeune, il me semblait pouvoir appréhender le signe contenu dans les images plus que dans les mots, recouverts de sens qui me restaient cachés, très voilés. Ça, c’est selon les gens. Des jeunes gens peuvent avoir très tôt un regard d’aigle sur ce qu’ils lisent, et n’entendre rien à des peintures, ou des musiques. Ceci dit, celles-ci pompeuses ou savantes peuvent n’être que des glouglous très bêtas, ou des chevauchées de chars, de canons sans trop de nuances.
Il y a tellement d’œuvres. L’important dans une œuvre, c’est ce qu’on ne perçoit pas. Et l’ensemble des œuvres fait son ouvrage de tisser en nous une somme de recoupements, de constantes, d’impressions fugitives et d’entendements de choses secrètes, en affinité avec nous.
On finit par s’entendre, ou se voir dans tout ce chaos orchestré. On finit ou on commence ?
Qu’est-ce qui a évolué sur le fil de la pensée ? Et comment ? Sans doute celui qui œuvre déroule en lui ce fil, fait en sorte de l’exprimer au mieux, ce qui permet à l’autre de mieux se voir, par ce qui lui a été donné à voir, à lire ou à entendre. Ainsi il y a transmission de l’un à l’autre. Nous ne serions plus enfermés dans notre psyché maladive.
Deux parenthèses :
Bizarre tout de même ce qui se passe sur cette terre. Avant, en Nouvelle-Calédonie, il n’y avait pas de prison. Les civilisés conquérants en ont construit.
Qu’est-ce que les Russes auraient commis comme crimes qui serait aux yeux des occidentaux comme absolument impardonnable ?
Quel est le sens de tout cela ? De ces enfermements respectifs, du voyage qui se passe mal, comme des marins qui font naufrage.
Remarque, le marin aime la mer qui lui parle, et cela fait son bonheur.

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