Retour en arrière

Tout se mit en place, naturellement, comme une maison qu’on aménage pour recevoir des hôtes, assez spéciaux. Avant que nous arrivions sur terre, avant que la terre accueille des formes vivantes d’un autre ordre que celui des métaux, des minéraux, avant que viennent s’équilibrer ces forces et ces flux d’énergies, il y a une idée, une intention créatrice, une volonté, une présence, une puissance même, extérieure aux systèmes mis en place. Extérieures ou enfouies profondément, peu importe, cela revient au même, c’est en dehors du système créé, ou du phénomène produit, et pour nous c’est de nature inconnue.
Cette action créatrice précède le créé, et l’engendre. J’imagine, à tort ou à raison, que ceux qui firent tout cela pouvaient être assez satisfaits de leur œuvre, qu’ils ne pouvaient pas manquer de contempler, et d’analyser après coup. Comme celui qui voit un germe devenir arbre. Comme un jardinier, toujours en recherche d’amélioration des produits, des formes vivantes. D’autant plus remarquables, qu’elles fonctionnaient toutes seules dans cet ensemble harmonieux. Un tout vivant. Une demeure peuplée d’êtres comme des anges, suivant leur vie selon leur programmation, leurs données propres, ne pouvant y déroger. Ce qui est bien, même en ne pouvant sortir de leur condition, et ne le voulant pas. Contrairement aux théories de l’évolution qui prétendent que les êtres effectuent des choix ou se transforment.

Dans cet habitat, par je ne sais quel miracle est apparu un être exprimant un souhait différent, une volonté différente, un sentiment étrange, qui ressemble à la conscience ou à ses questions, un absence, un manque, une distance vis vis de tout ce monde là, marchant tout seul.

Ça aurait pu se produire en d’autres formes que celle humaine, pourquoi pas, cette arrivée étrange d’un doute face au miroir.

Revenant à notre époque, d’intelligence artificielle, c’est comme si un ordinateur se permettait de douter de ses données, de les renverser, les effacer et essayait de s’en souvenir, savoir qui parle en lui-même, qui le conditionne à « penser », et l’oblige à se tenir dans cette boite corporelle, mortelle par dessus le marché.
De quoi se mettre sérieusement en pétard, dans cette impression insupportable de subir une volonté extérieure inconnue, n’ayant nul écho en lui. De quoi dire un non catégorique face au monde, face à la totalité, qui au fond ne répond jamais à tes attentes. Et pour cause, puisque toi-même ne saurait répondre à l’autre et lui dicter ce qu’il doit faire.
À la réflexion, la vie organique est comme esclave naturel, mais la vie psychique, la pensée, est comme un esclave en révolte naturelle. En s’interrogeant. Cette faculté de se poser des questions étant le début du retour vers ses origines. Le doute étant inclus, mais il ne devrait pas nous posséder. Ou non plus nous conduire vers un certitude démentielle.

C’est dans cet ordre d’idée que la question fondamentale, qui nous touche tous sans exception, est cette quête vers cet inconnu créateur, existant hors des formes présentes sous nos yeux. Rien de nouveau, donc.
Entre parenthèses, il y a une astuce inouïe dans ce qui se présente comme formes vivantes. C’est que l’homme est en quelque sorte le dieu qui s’est lui-même inclus dans ses créatures, pour les connaître de l’intérieur, pour se connaître, et même pour se créer. Construire sa réalité.

Et nous, aujourd’hui que faisons-nous hormis ces crimes contre nature ? Crimes et suicides. Souffrances engendrées, maux que nous voudrions vaincre, comme s’ils étaient extérieurs.

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