la vie bizarre

Il faudra que je vous raconte quelque chose de bizarre, ou de fou, de pas normal. Tenez, c’est un peu comme le personnage du film les ailes du désir. Une sorte d’ange plus ou moins invisible ou disons à moitié incarné, C’est grosso modo ce que nous sommes en vérité. Mais pas tous. La très grande majorité des hommes et des femmes se pense comme étant de chair bien tangible. Tout comme je le pensais et l’éprouvais dans mes temps « normaux ». Normaux ou habituels. Puis, il y eut toutes sortes d’événements – apparemment anodins – qui produisent des chocs, et aussi légers soient-ils, infimes et répétés, rien d’extraordinaire pris séparément, comme des gouttes d’eau finissent à la longue par marquer et éroder la conviction d’être ce qu’on est. Et laissent dans cet état de sidération permanente, légèrement schizophrénique. Je suis certain qu’il y a d’autres gens touchés de la même façon, chacun à sa manière, selon sa personnalité et son histoire, selon aussi ce qu’on appelle l’esprit. Surtout ça. Sur le chemin, celui où nous progressons, il y a des voix justes, des voix qui nous égarent. Mais l’ensemble, la totalité c’est comme une symphonie lourde de sens, porteuse de toutes les émotions possibles, de même que les troubles, les doutes, les effrois, les sentiments d’une certaine vanité, la fragilité, et cette coupure effective entre le monde et le moi. Une séparation pas radicale, car sinon, ce serait fini.

On pourrait nommer cette coupure comme étant le mal radical. Cependant considérez que sans cette séparation nul ne serait conscient ou créateur, acteur de sa vie. Ce qui est étonnant donc, c’est le fait que le monde vit comme si tout était normal dans ce bain d’existence, et que l’au-delà ne serait qu’une sorte d’hypothèse sur laquelle nous n’aurions rien à dire ( exactement comme les morts sont assez rares à revenir nous parler de leur voyage intemporel )

De façon encore plus incongrue, les religieux ont fait de cette incarnation le mal réel. Et insistent lourdement pour que nous allions voir au-delà, cet au-delà étant le seul réel à prendre en compte. Le pire, c’est que ce n’est pas faux. C’est seulement faux si le réel – réel réel – ne vient pas parmi nous, comme dans les ailles du désir, comme cet ange qui vient nous rendre visite. Ce qui peut nous faire peur, comme présence fantomatique.

Curieusement, ce fantôme est « moi ». N’allez pas penser que ce n’est pas aussi vous, chacun d’entre vous, dialoguant avec son ange. ( dialogue sans parole, que tout le monde peut entendre)

je vous le disais, c’est bizarre d’être traversé par cette « chose », qui passe par le sujet, la première personne du singulier, et résonne dans l’ensemble, s’y dilue et transfigure la terre. Dans un sens, la nature est empreinte de cet acte magique. Et est récusée par ceux qui s’en prétendent les détenteurs exclusifs auxquels nous devrions obéissance, soumis à leur autorisation. Là c’est carrément flippant.

Songez tout de même que ces « pouvoirs » datent de la nuit des temps, se sont transmis, et se sont amplifiés. Plus ou moins bons, plus ou moins déviants, bons ou mauvais.

Et nous n’en saurions rien ? Dieu, les dieux, nous-mêmes, nous nous serions abandonnés ? C’est cette redoute qui suscite toutes les alarmes, et toutes les larmes. ( plus simplement ce sentiment d’être « mort » , ou séparé de soi-même, comme on peut le lire chez un certain romancier , ou dans les asiles )

Il y a aussi l’inverse, les eaux lumineuses, les eaux qui nous relient au vivant.

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