Du juste

Ce que nous vivons est toujours assez étrange, entre des scandales, des fautes et des vengeances. Comment y voir clair dans ces nœuds où la morale embrouille tout ? C’est facile de désigner des coupables, puisque nous ne pouvons pas être innocents. Ce n’est pas du tout dans notre nature d’être innocent. Nous ne serions plus humains. Mais celui qui sait qu’il fait mal, sait-il au moins, qu’il peut s’en repentir ? Alors là, il tombe sous un autre type de jugement. Mais personne n’a confiance absolue dans le « jugement de dieu ». Ce qui se conçoit, vues les suspicions et les doutes, les écrans de fumées et les sournoiseries humaines, les hypocrisies et les mensonges, vue aussi la violence environnante. De même que les repères perdus concernant cette dimension du vivant.
On peut commettre des choses affreuses, avec cette certitude d’être intouchable, ou de cacher nos méfaits, ce qui se passe dans les faits. Mais en sens inverse, poser des jugements n’est pas non plus totalement innocent. Pour pouvoir juger, il faudrait être saint, et encore, un saint oserait-il ?
Non, dans tous les cas, dans le bien comme dans le mal, nous sommes seuls face à nous-mêmes, face à notre propre jugement, à défaut de Juge suprême évident.

Lassant de redire les mêmes choses. Dieu est cause de lui-même, sans autre chose qui le cause. et cause se sachant, mieux que tout ce qui apparaît ou existe et est relatif, sujet ou contingent. Bref, « il » sait mieux que tous les hommes réunis.
Néanmoins, nous pouvons êtres jugés par nos congénères, à condition qu’ils soient justes.
Est-ce ainsi ?

Causerie autour d’un concept.

Ce concept de symbiose. Le saint bi ose, en préambule irrationnel. Le scientifique magnifique débordant de connaissances des organismes et de leurs fonctions, dans les moindres détails et dans leurs ensembles, rationnel, logique, dans sa méthode, arrive à des conclusions, tout à fait justes dans une certaine mesure, relativement à ses observations, ce qui l’autorise à postuler ce concept universel de symbiose avec tout ce que cela a comme implication dans nos représentations du réel, et des doutes sur nous-mêmes. Nous aurions pu arriver à des conclusions du même ordre en observant un homme marchant pieds nus sur la terre : en effet, nous avons là en présence deux êtres différents, deux corps étrangers, n’ayant pas les mêmes fonctions organiques, les mêmes « gènes » ou la même genèse, a priori. Et dont on peut affirmer sans erreur possible que l’un ne tire sa subsistance que de l’autre, en étroite symbiose, avec la pesanteur, les températures, les éléments dans lesquels nous baignons ou nous nous brûlons. Dans ce sens, nous ne sommes jamais seuls avec la Terre. Disons, en ce qui concerne notre possibilité d’exister organiquement. Ce qui est insuffisant. Et n’a guère de sens. Ce qui est sans intérêt, si ne se présentent pas d’autres dimensions à notre regard ou entendement, de même des congénères avec lesquels des échanges se produisent et nous nourrissent d’autres nourritures que des sucres, des énergies, des chlorophylles, ou des graisses, dans un bal fantastique d’hormones et d’enzymes qui autorisent tout cela.
Tout ceci est évident. On parle de système, on pense que tout ce qui existe relève de systèmes. Donc de mécanismes qui sont en eux-mêmes causes de leur existence. Et que connaître ces systèmes pourrait corriger leurs défauts, ou leurs manques, les dysfonctionnements possibles. Ce que nous découvrons nous donnerait du pouvoir sur la vie dans son ensemble, comme si nous en étions les co-auteurs, à égalité avec le Hasard. Ceci n’est pas entièrement faux.
L’auteur dont il est question apporte des éléments nouveaux à la réflexion sur l’évolution et à la pensée darwinienne. Il a parfaitement raison dans cette correction, de même que Darwin a aussi apporté d’excellentes choses pour penser le vivant, pour en faire connaissance, passionnant dans le fait des recherches. Ne serait-ce que la cellule, et tout ce qui y est inclus comme objets et fonctions, et de proche en proche, les molécules, les atomes, les ions, si près des soleils.
Que d’énigmes, que d’eaux alimentent nos moulins. Que de farines pour nourrir nos philosophies.
Et en contrepoint de ces approches scientifiques non dogmatiques, il y aussi des approches relevant d’un autre ordre, d’une autre méthode, si on peut appeler méthode cette démarche sensible, artiste, poétique, spiritualiste. Telle que des hommes premiers, naïfs et sidérés, pouvaient concevoir – conception sans les mots – intuition, vision immédiate, dans leur nudité face à l’univers « miroir » d’eux-mêmes, pris dedans et désirant s’y fondre, y trouver leur vie d’instinct, sachant d’intuition leur redoute de leur mort. Ne pouvant confondre le haut et le bas. Voyant leur temps s’enfuir dans le passé, et devoir fuir face aux prédateurs.
Je fais l’impasse sur tout ce que nous aurions à connaître du monde dans lequel nous sommes, pour pouvoir y vivre.
On ne va pas se nourrir de champignons vénéneux quand même, ce serait contre productif. Et pourquoi donc en est on arrivé à fabriquer autant de choses nocives ? Inversion du sens et de l’instinct. Il n’y a qu’un instinct, c’est celui du vivant. Et qu’un manque d’instinct c’est celui du mort.
On voudrait échapper à la mort, en combattant la mort ? Là encore, c’est voué à l’échec. De même de se prémunir du vivant qui arrive et nous sort de nos habitudes, de nos croyances, de nos images, nos dessins, et nos desseins. Donc de nos mots. De tout ce que nous avons nommé, et pris comme vérité.
Verte est la Vérité. Comme le dit le microbiologiste, on peut spéculer sur les cyanobactéries qui ont fourni l’oxygène sur la terre, et engendré tout ce qui suit, comme organismes vivants, par les fonctions chlorophylliennes.
Ne serions-nous qu’un de ces organismes parmi d’autres, ayant tout liberté de manœuvre et manipulation du vivant en fonction d’objectifs que nous nous fixons ? Comme par exemple cette idée de faire ingérer des enzymes du bonheur par le truchement de bactéries. Selon l’idée de l’auteur qui y voit à juste titre l’influence positive ou négative des substances produites par ces minuscules entités. Et nous dépouillant presque de notre capacité de choix, et même de ce « je » qui reste pour ce chercheur un élément douteux.

Du feu sacré

Ce qui différencie l’homme de la nature, des êtres de la nature, c’est l’instinct. En lisant un ouvrage d’un microbiologiste, j’y ai vu la capacité fabuleuse des formes vivantes à s’adapter et trouver la voie la meilleure, en s’associant avec les autres formes vivantes qu’elles mettent à leur service et qu’elles ménagent. Elles ont cette intelligence là. Le vivant trouve sa voie, ou s’ouvre la voie, sans forcer excessivement, sans dégrader son milieu. Mais bien entendu les micro organismes, les plantes, les champignons bactéries, les bêtes ne cherchent pas à savoir ce qui les anime. Elles s’en tiennent à cet instinct de vie. Il n’y a rien de morbide en elles. Ce qui en fait peut-être des êtres reliés par des fils invisibles, dans une totalité vivante, comme des abeilles d’une ruche contribuent à la ruche sans se questionner sur la ruche, sur l’organisation de celle-ci, sans protester, étant fusionnées. Jusqu’où les vivants étendent-ils leurs liens existentiels ? On voit l’abeille effectuer la danse du soleil, et les oiseaux se repérer dans leurs migrations sans avoir besoin de cartes et de compas. Bref, on observe que la nature forme un tout vivant, non seulement sur terre, mais aussi dans les profondeurs du cosmos, des atomes aux étoiles, comme si c’était son corps, qu’elle active pour se maintenir en vie, et se reproduire.
Et nous dans cette totalité, que faisons-nous, ou plus exactement que cherchons-nous hors de ce monde ? En étendant nos recherches et observations dans les confins des univers, dans les replis de la matière, dans des expériences totalement hasardeuses, périlleuses, inutiles, nuisibles sources de souffrances, pleines de morts, d’ennuis, de séparations effectives et d’angoisses.
D’où Cela vient ? Cela ne viendrait-il pas du fait que nous ne retrouvions pas nécessairement la source, dans nos psychés défaillantes. Et que nous brisons beaucoup en espérant nous retrouver dans une sorte d’intégrité d’être ? d’entièreté avec l’être des êtres vivants. Paradoxalement les hommes emploient ces destructions – à divers degrés – pour affirmation de leur « Tout », auquel ils croient. Cela ne se passe pas en douceur. L’accouchement étant plutôt douloureux. De même que le travail, et par conséquent tous ces déploiements d’énergies, sans lesquelles nous ne pourrions nous maintenir en vie.
Aurions-nous égaré en notre esprit le feu qui est censé nous animer ?

Ou voudrions-nous voir ce feu hors de nous, avoir du pouvoir sur ce feu. Ce qui ne nous implique pas, ne nous oblige pas, nous fait croire que nous ne serions plus esclaves, mais détenteurs d’une sorte de transcendance. De cette compréhension des phénomènes, tous les abus sont possibles, la pression exercée sur les plus faibles, notamment.
Selon ces affirmations (paraissant gratuites) il est pensable que si nous avons vraiment ce feu sacré, je m’entends, en y étant dedans, non pas comme dans un bûcher, ou sur des braises, ce feu nous soutient dans nos actes, et sur la voie.
Le feu dans ce sens, c’est instinctif.
L’instinct de vivre est sacré. Et comment…